Il est des sujets déjà bien documentés que l’on pourrait penser, à tort visiblement, que l’on en a fait le tour. Cet ouvrage de l’historien Pierre Salmon, tiré de son travail de thèse, est de ceux qui nous surprennent sur un sujet que l’on croyait pourtant abondement documenté : la lutte et la solidarité antifasciste durant la guerre d’Espagne.
L’auteur s’intéresse ici à la solidarité en acte de militant·es antifascistes qui ont mis sur pied des réseaux de passe d’armes vers l’Espagne en guerre, une « contrebande révolutionnaire », pour soutenir le combat antifasciste, ce qu’il nomme un « antifascisme de combat ».
Du fait de l’abandon de l’Espagne républicaine par le Front populaire qui pratique une « politique de non-intervention », même si les frontières ne furent pas hermétiquement fermée, les approvisionnements d’armes de l’Espagne républicaine et révolutionnaire proviennent essentiellement de l’URSS. Il y eut cependant des militants, anarchistes, trotskistes ou communistes, qui entrèrent en contrebande pour défendre « leur révolution ».
À côté des actions plus ou moins publiques de soutien à l’Espagne révolutionnaire et républicaine qui furent le fait dès 1936 du Secours rouge international (SRI), lié au Komintern, du Comité anarcho-syndicaliste pour la défense et la liberté du prolétariat espagnol (CASDLPE) et du Comité pour l’Espagne libre (CEL) et après les affrontements des journées de mai 1937 à Barcelone de la Solidarité internationale antifasciste SIA, s’organisent des réseaux plus informels de contrebande d’armes entre la France et l’Espagne.
Ce sont ces réseaux et ses acteurs, les femmes très peu présentes semblent avoir été invisibilisées nous dit l’auteur, qui sont au cœur de cet ouvrage : leur (dés)organisation, leurs déboires mais aussi les parcours des militants ayant pris part à cette solidarité en acte, souvent au péril de leur vie, moins visible et aussi moins valorisée que le volontariat armé.
À travers cet « engagement politique transnational en contexte clandestin » c’est une histoire de l’illégalise politique qui nous est ici proposée, à hauteur des parcours des hommes et des femmes qui se livrèrent à cette contrebande révolutionnaire.
David (UCL Savoies)
Pierre Salmon, Un antifascisme de combat : armer l’Espagne révolutionnaire – 1936-1939, Éditions du Détour, avril 2024, 256 pages, 21,90 euros.